"J'aimerais penser à vous sans pleurer.
J'aimerais me cacher dans le manteau de Dieu.
La lucidité octroie une souffrance terrible,
en particulier elle empêche la louange.
Quel passage, quel péril faut-il traverser
pour que les yeux, démesurément ouverts, blessés,
deviennent émerveillés, noyés
dans la contemplation ?
Comment passer de la lucidité qui dénude,
qui laisse toute chair à vif,
à la lumière dansante et pourtant immobile
de la contemplation ?
Les yeux immensément ouverts sur l'horreur
qui se font douceur, qui n'ont plus mal,
qui voient derrière.
Derrière l'horreur. Les yeux immensément éblouis.
Derrière le voile, l'or ruisselle, inespéré.
Dès lors les yeux ne peuvent plus se détacher
de cette lumière qui fait le tour de tout
comme le manteau de Dieu,
la lumière qui fait la chair de tout,
la lumière qui embrasse, oui, m'embrasse
moi si pauvre.
Mes yeux ne voient plus.
Ils sont vus. Touchés par l'éternel.
Mais ils pleurent en pensant à vous.
Juste avant de sauter dans la fournaise d'amour,
dans l'océan sans fond de l'amour,
je voulais vous offrir ces quelques mots égratignés,
mes larmes,
et ce qui sur terre n'a pas encore trouvé de nom.
Juste avant
la lumière de magnificence.
Dieu comme je vous aime et je vous pleure,
juste avant."
extrait
"Le Manteau de Magnificence"
de Jacqueline Kelen
"Le Manteau de Magnificence"
de Jacqueline Kelen
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