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Le Magnificat de Marie-Madeleine



Un texte de Bernard ANTOUN que mon Coeur a cueilli ...




Le Maître avec son Cœur de Dieu
a daigné me regarder.
Par quel rayon d’Amour,
il m’a pardonné tous mes péchés.
Sa Miséricorde m’a libérée de la boue.
Son regard plus blanc que lys
m’a offert son intime Paix,
sa privilégiée et chaleureuse amitié.
Mon âme danse de joie depuis
car il ne m’a pas jugée mais aimée.
Mon âme exulte de joie depuis
car il ne m’a pas blâmée
mais accueillie auprès de lui
et pardonnée.

Comme un ciel de tendresse
et une mer de bonté,
comme une pluie de pardon
et une douceur de rosée,
ses yeux de Dieu posés sur mon âme
ont pleinement
avec quel amour tout lavé.
J’ai vu alors la laideur de mon péché,
j’ai su alors combien indigne j’étais
et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps
jusqu’à perdre l’ombre de ce que j’étais





Repentie j’ai suivi
cet Ami de toute Béatitude,
aimantée par sa Charité,
aimantée par son Cœur
qui pardonne les multitudes de péchés
quand on témoigne
beaucoup d’amour et de fidélité.
Sa tête et ses pieds je les ai parfumés
avec les plus précieuses fragrances et dignité.
À genoux et en pleurant,
voulant le remercier,
avec mes cheveux à lui désormais dédiés,
j’ai tenu à essuyer et embrasser ses pieds,
à les enrober
avec les pétales de mon cœur et pensée,
ne sachant pas que c’était
le lavement de ce que sera ses plaies.




Toutes ses Paroles d’or et de myrrhe,
je les cultive dans mon intériorité,
elles parfument mon âme et ma destinée.
Toutes les heures et toute l’éternité,
pas assez longues
pour les savourer et méditer.
Ses Paroles me nourrissent plus que pain,
elles m’enivrent plus que vin,
me vivifient plus que repos ou sommeil
parce que pleines de sa divinité,
parce que porteuses
de quelle force de résurrection,
parce que agissantes
même sur les âmes des trépassés.







Quelle souffrance
dans ma conscience et mon esprit
quand il annonçait son proche supplice,
quand il annonçait l’ouverture du Ciel par ses Plaies!

Quel martyre dans mon cœur
quand je l’ai vu marcher parmi les insultes,
…blessures, rien que blessures,
gerçures et meurtrissures,
meurtrissures et gerçures,
puis…brutalement transpercé de clous
et sur la Croix hautement accroché!


J’aurais crié,
j’aurais supplié,
j’aurais protesté,
mais… personne pour compatir,
personne pour dénoncer cet absurde crime.

Sa Mère seulement déjà noircie de deuil
et quelques femmes émues…pleuraient.

Mon Jésus était inaccessible,
mon Jésus était si élevé,
si préoccupé par son œuvre de Salut
que dans le vertige et la mort des heures,
je ne pouvais,
je n’osais qu’embrasser sa Croix pour le consoler.





Où est mon Jésus
plus beau que palmier, olivier ou balsamier?
Où est mon Jésus plus doux et plus frais
que tous les jardins et matins de mai?
Qui l’a ainsi défiguré,
transpercé de clous?
Quelles mains barbares ont ouvert ces Plaies?
Est-ce ainsi qu’on traite celui qui aime
et ne cherche qu’à pardonner?
Moi-même, pécheresse
on ne m’a pas de la sorte traitée.
Mais lui…choisit à notre place d’expier.

J’embrasse sa Croix et je pleure,
j’embrasse sa Croix
et c’est comme si je l’embrassais,
j’embrasse sa Croix et la terre où
elle est plantée,
j’embrasse sa Croix et contemple
là-haut ses Plaies,
j’embrasse sa Croix et me laisse
par sa Présence,
par le Sang de ses Plaies,
par ses dernières Paroles,
par son dernier Souffle…embrasser.

Quand fut venu le moment de le déclouer,
le si cruel moment de l’arracher à son gibet,
quand fut venu le moment de le rendre
à sa Mère,
j’ai pris ses pieds percés comme roses
ou pains déchiquetés.
Encore une fois je les ai honorés.
…Je n’avais que mes larmes et baisers
à lui offrir,
je n’avais que mon cœur divisé
et toute ma tendresse,
toute ma reconnaissance pour sa déité.

Puis comme à travers un torrent de plaintes,
comme avec mille mains,
mille yeux qui ne savaient que pleurer, aimer,
nous l’avons entouré, porté, enlacé
et au sépulcre…déposé.
Comment pourrais-je quitter mon Jésus?
Comment pourrais-je le laisser seul,
trembler de froid parmi les murs glacés?
Comment laisser mon Dieu couché
derrière une pierre...inanimé?





Hagarde de par les jardins je courais.
Je ne voulais voir, retrouver
que mon Seigneur pour le réconforter.
Deux nuits j’ai traîné,
morte de sa mort et douloureuse de ses Plaies.
Le monde n’était que ténèbres
et froideur d’aridité.
Qui d’autre que lui pourrait rassasier
mon âme suppliciée?

Au matin du troisième jour,
déplorant encore mon Bien-Aimé,
revenue avec mes parfums et aromates,
je rôdais autour de son Tombeau
où sont mortes mes quiétudes et sérénités.
Je rôdais songeuse,
mourant du désir de le rencontrer.
Or la pierre a été enlevée,
l’entrée du Tombeau dégagée.
J’entre,
Jésus n’est plus là
mais le suaire tel quel plié.
On a enlevé mon Maître!
Qui me dirait où on l’a mis?





Deux anges et un jardinier m’apaisent.
Effrayée par le mystère, je ne peux que pleurer.
Jésus m’appelle alors par mon nom,
de sa voix divinement amplifiée.
Là, je l’ai reconnu,
j’ai reconnu ses Plaies
resplendissantes dans son Corps de Gloire,
resplendissantes dans sa Lumière de Ressuscité.
Je voulais l’enlacer
mais il m’a appris avec quelle piété
le nouveau mode de vivre avec lui
sans le toucher.

À moi la Madeleine repentie,
il a voulu apparaître en premier.
À moi la Madeleine si amoureuse de lui,
il a montré la splendeur de ses Plaies
en premier.
À moi la Madeleine qui recueillait ses Paroles,
il a commandé d’aller
missionnaire de la Nouvelle…en premier.
À moi la Madeleine qui ne vit plus que pour lui,
il s’est révélé
Seigneur de Gloire et de Vie…en premier.
Douloureux apprentissage désormais
que de le savoir présent,
dans la certitude,
sans toutefois pouvoir le regarder.
Douloureux apprentissage désormais
que de l’aimer, l’embrasser
sans le toucher.





Comment louer et remercier mon Maître
pour son estime à moi manifestée?
Parce que repentie,
parce que sa tête et ses pieds
avec ferveur je les ai baignés,
moi, l’humble, l’inutile,
sa plus grande amie je suis devenue
et dans le monde entier, pour toujours,
à ma louange, là où l’Evangile est proclamé,
mes marques d’amour, en exemple,
il ordonne de les faire répéter.

Comment ne pas prêcher sa Miséricorde,
lui, le défenseur des cœurs contrits,
lui qui élève et justifie,
lui qui loue ceux qui choisissent
la meilleure part?
Comment ne pas annoncer
ses Plaies triomphantes,
elles que j’ai vues saigner…martyrisées,
elles que j’ai pu hâtivement embaumer,
elles que j’ai admirées éclatantes de divinité,
elles que j’ai rapportées ce matin de Pâque
aux apôtres repliés!

Ses Plaies magnifiées
sont un baume pour mon exil ici-bas.
Moi qui ai embaumé
ses pieds, sa tête et ses Plaies,
il a voulu m’offrir en retour
l’éclat de la vision de ses glorieuses Plaies
comme baume pour me consoler.
Un repentir d’amour et il pardonne tout.
Un petit geste d’amour
et il s’en glorifie partout.
Un regard d’amour
et rose il fait sortir de la pire boue.









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