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"Les premières primevères sont en fleurs, mon âme,
Comme elles sont radieuses, comme elles sourient, ô mon âme,
Comme elles jouissent de l’ample estime des saisons !
Ô douce promesse de la larme, calices germinatifs de joie !
Ô fleurs qui donnez aux mots un sens virginal,
Libre, glorieux, surprenant !

Que sonnent les cloches des archanges !

Ô Temps sublime, ô Pâques divine,
Ajoute ton pur savoir au lissage qu’apporte le matin,
Toi qui est temps en dehors du temps ordinaire
Et lumière en dehors de toute lumière !
Chantez, chantez, choeurs célestes, vous qui préexistez
Avant le dévoilement du Destin !

Que sonnent les cloches des archanges !


Sans toi, ô Fête des fêtes, ma vie aurait-elle
Plus de valeur qu’un grain d’infime poussière ?
Ouvre mes prunelles, ô Nuit des nuits,
Fais-moi entrer dans la Vie de la vie,
Fais-le, j’en t’en supplie,
Par un glissement inattendu,
Comme par une dissidence spontanée,
Qui se produira aujourd’hui,
Presque à mon corps défendant !

Que sonnent les cloches des archanges !

Lie, mets ensemble, ô Jour de Vie immémorable,
Ce qu’il y a de plus vrai, de plus aigu et de plus transparent
Dans mon amour !
Prête à ma mince mélodie force, persuasion et beauté !
Impose à mon corps le doux transport des rouges-gorges
Evanouis dans l’écume des glycines,
La tendresse hardie des bourgeons !

Que sonnent les cloches des archanges !

Ô Pâques des âmes attentives !
Comme est belle cette nuit la Nuit !
Comme l’ombre s’amenuise à l’approche de l’Aurore !
Comme l’édifice des planètes et des astres
Ouvre sa divine élégance aux lèvres
Touchées par l’extrême intimité de la grâce !

Que sonnent les cloches des archanges !

Sagesse du déploiement ! Sagesse de l’intensité !
Année qui échappe à la scansion des horloges,
Ramène au jour les sépultures des êtres aimés,
La végétation ensauvagée qui console leur sommeil,
Les ossements bouleversés
Des caveaux bâtis par les mains flamboyantes de la foi,
Les souvenirs des hautes nécropoles où repose intacte à jamais,
L’ultime Espérance !

Que sonnent les cloches des archanges !

Viens, ô Pâque sublime, architecture suprême de l’azur,
Viens sur les flots de l’Aube,
Sur les battements des ailes
Qui construisent le château de l’âme,
Egare-moi sans rémission dans ta splendeur extatique !
Viens, avance, souris, ô Pâques mienne,
Les bras chargés de printemps !

Que sonnent les cloches des archanges !"



Athanase





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