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De fil en fil
De trame en trame
A l’ombre du Je Suis
Elle tisse le Dedans de sa Vie

Méli mélo de fils aux couleurs
qu’elle aurait voulu autres …
Enchevêtrements de maux
qui crient la délivrance
et appellent
la foi et l’espérance …

Elle saisit ces fils un à un
les relie à l’axe originel,
pour mieux les tisser,
les faire progresser,
afin que ce qui les unit,
se révèle …


Ses larmes sont nombreuses
au début de la tâche qui est sienne.
Les fils sont bruts, rudes, tordus,
comme la terre aride
où elle se tient à genoux.

Ses mains ne parviennent pas
à entrer dans la danse.
Les nœuds se resserrent,
plus qu’ils ne se libèrent.

Lorsque son regard se pose
sur ce qui est déjà réalisé,
elle n’y voit qu’un ouvrage
sombre et laid.
Mais elle sait
que sa peine ralentit son travail
et empêche que son regard soit présent
sur ce qui appelle à se faire
entre ses deux mains.

De ces larmes
qui aspirent à s’épancher dehors,
elle en fait un feu au-dedans...
un désir plus grand
de s’ouvrir,
de s’offrir
à l’instant,
afin de mieux incarner
ce qui chante au fond d’elle.

Elle sait que ce n’est qu’à travers cette ouverture
que ses mains peuvent se reconnecter à la source,
tout comme elle a besoin d’un puits ouvert
pour que son seau pénètre l’eau …
Elle sait que ce n’est que dans le silence
que le geste ancestral
peut renaître au sein de ses mains.

Avec le temps
la terre devient plus fertile.
Elle commence ici et là
à verdir doucement …
Les touffes se font de plus en plus nombreuses
comme ces moments où elle sent l’étoffe
se faire plus légère, plus pure.
Et lorsque son cœur la caresse,
comme la main effleure l’herbe nouvelle,
elle sent ô combien tous ces fils vibrent aussi
de cette présence intime qui l’habite.

Il est des soirs,
lorsque la lune est pleine
où ses mains ne veulent pas s’arrêter
tant elles ont épousées
la valse à quatre temps.
Il est des nuits qu’elle traverse alors,
nourrissant son ouvrage
d’autres parfums,
d’autres chants.

Il est des soirs,
lorsque la lune se fait nouvelle
où, sur les branches de l’arbre
qui veille sur elle,
les oiseaux se rassemblent
et chantent l’aube à venir.
Ils lui content l’histoire de celle
qui un jour,
s’étant parée
de l’étole achevée,
épousa de tout son être
le dernier geste
lorsqu’elle franchit
la dernière porte …




Ce matin, elle sourit en pensant
à ce conte qui l’accompagne souvent
à cette image qu’elle a longtemps posée
à l’horizon de son ouvrage
comme promesse à venir,
image qui lui donne courage
et l’aide à s’alléger du présent trop lourd.
Elle rit de se découvrir encore l’enfant
qui croit aux princes charmants …
Dans ce rire quelque chose vient de naître
le beau et le laid s’épousent...
et enfantent la Beauté.
Non pas une image…
mais un enfant semblable à la lumière …
un enfant qui se fait louange …

Elle reprend son ouvrage
agenouillée sous l’arbre en fleur
dont l’ombre n’est que verdure…
Elle sent qu’elle fait corps avec ses mains,
son regard se pose de moins en moins dehors
mais plonge de plus en plus à la source
pour que le faire entre ses mains
devienne Vie …

L’image à l’horizon s’efface.
Peu lui importe demain
Elle se tient simplement
dans le flot de ce qui devient.
Peu importe si les fils qu’elle tisse
ne sont pas d’or et d’argent,
ils vibrent pour elle
de leur naturel,
de ce pour quoi ils sont …
Tout comme elle
ils sont fils de la Vie ….

De fil en fil
de trame en trame
une femme
tisse
les fils de lUn …

A l'Ombre du Je Suis
une Femme Tisse
l'Aube de la Nuit






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